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S-D CHAMPBIÈVRE
Par K.S. Giacherre Dans cette trop brève nouvelle, l’auteur met en scène l’épisode le plus connu, mais certainement le moins authentique de la vie de Sylvain-Déodat Champbièvre, qui vécut de 1585 à 1655. Il n’est peut-être pas inutile de faire ici un bref rappel de l’état de la peinture française au début du XVIIe siècle. Le classique mythologique domine avec Simon Vouet, né en 1590, et Laurent de la Hyre, de seize ans plus jeune. D’un côté les fastes à l’Antique, de l’autre, l’austérité picturale avec Champaigne. Souvent schématiques, ces définitions n’en sont pas moins fondées, tout comme cette volonté d’entre-deux où se complaisait Champbièvre, que sa discrétion a trop souvent écarté de nos manuels d’histoire de l’art. ‘La pompe de notre temps vaut bien celle que l’on prête aux Anciens', c’était son propos, du moins publiquement. Il laisse le souvenir d’un excellent artisan ne rajeunissant que les tenues et le décor, qu’il veut contemporains, dans un strict respect de la technique de représentation. La découverte fortuite d’une toile signée de lui dans les combles du domaine de Denonville (Eure et Loir) en 1988 a remis en cause cette vision réductrice. ‘Le Coteau’, toile d’une dimension moyenne, n’est pas datée, mais l’inscription S-D ChampB l’identifie aisément, outre le fait que l’auteur était un protégé du Sieur de Denon. Au dos, le bois du cadre porte au crayon ‘Coteau’. Andrew S. Labart, utilisant dix ans plus tard sur des bases de données d'antiquaires une version expérimentale du logiciel de reconnaissance des formes ‘4D morph’TM remarqua que quelques toiles sans date, sans signature et attribuées sans grande originalité à un ‘Anonyme du XVIIe’ représentaient le même paysage, le plus souvent cadré à l’identique. Seules variaient les heures, les saisons, les techniques. Il semble qu’on ne puisse actuellement en recenser avec certitude qu’une petite dizaine dispersée dans des collections particulières. Mais cela suffit pour qu’on soit amené à repenser la biographie de S-D. Champbièvre. Fils puîné d’un riche drapier de Chartres, il était né à Denonville où ses parents avaient une résidence d’été. Encore enfant – on restait enfant très tard à cette époque – il accompagnait souvent les tailleurs de son père chez les notables et prenait un vif plaisir à les croquer au vol pour les présenter vêtus de telle ou telle nouveauté vestimentaire. Il raconte dans ses lettre à sa sœur qu’un soir de juin, le Sire de Denon, au vu d’une de ses esquisses lui dit par plaisanterie que si le peintre de Sa Majesté venait à disparaître, il pourrait se présenter à la place. Ce talent, continûment exercé, ne l’empêcha pas de suivre des études de Droit dans l’intention de reprendre l’affaire familiale avec son frère. A Paris il trouva tout naturel de fréquenter les endroits où se retrouvaient des 'artisans en peinture’, dont le jeune Vouet. En 1614, celui-ci part en Italie, lui laissant, à défaut d’une vraie clientèle, un réseau d’amateurs. Plus question de revenir à Chartres. Il laisse les tissus à ses frère et se consacre à sa peinture. Le milieu des artisans-peintres étant restreint, il fit rapidement connaissance avec un jeune Belge, un austère virtuose, Philippe de Champaigne. Tous deux étaient à la recherche d’un ‘nouveau peindre’ échappant aux canons académiques. L’un allait le porter à une hauteur inégalée jusqu’à Manet, l’autre oeuvra dans l’ombre, mais avec encore plus d’avance sur son temps puisqu’il préfigurait les Impressionnistes. ‘Le Coteau’, au titre provocateur pour tout autre qu’un Beauceron qui ne connaît de relief que par sa Cathédrale, est une toile floue. Par ce simple fait, elle n’est plus inspirée par Dieu, mais par le serpent. En effet, pour plus de deux siècles encore, la peinture montrera le net, le précis, le piqué, à peine estompés au loin par le sfumato si la perspective l’exige. La ‘profondeur de champ’ n’apparaîtra qu’avec la photographie. Le peintre feint d’ignorer l’indispensable mouvement d’accommodation qui permet de passer de l’arbre à la plaine d’arrière plan. Même remarque en ce qui concerne le flou dû à la vitesse : Mercure dans son vol si vif qu’il semble lancé par ‘la fronde baléare’ (Ovide), qui fond le plomb tant est grande la vitesse qu’elle lui communique, voir le tableau de Laurent de la Hyre ’Mercure et Hersé’, est détaillé comme une vue prise au millième de seconde. Plus généralement, c’est le Temps dans son entier qui est figé. Quant au flou dû à la fatigue du corps de l’artiste – et non du modèle – il faudra attendre Proust pour en avoir un aperçu littéraire : ’... il cherchait d’après la forme de sa fatigue, à repérer la position de ses membres, pour en induire la direction du mur, la place des meubles...’, et Francis Bacon en peinture. Pour Vouet, Latour, La Hyre, la vision humaine est triviale, celle de l’artiste, divine car c’est celle des Essences. C’est aussi l’opinion professée publiquement par Champbièvre. Dans son privé il n’en va pas de même, il se départit de son omnivoyance, il tente de peindre ce qu’il voit, de rendre ce qui ne peut que s’entr’apercevoir. Dans ‘Le Coteau’, seul le tronc de l’arbre au premier plan est net, les reste du tableau est brouillé par la distance, la chaleur, le mouvement du vent. A peine a-t-il terminé sa séance, le décor a changé. Il lui faut donc revenir, noter les transformations. Autant de séances, autant de toiles. Fixer la construction d’une maisonnette, voir arriver la fermière, ses vaches, son linge, se décrépir l’habitation… En un mot évoquer le passage du temps et de la Faucheuse. On comprend que ce propos ne soit pas de saison quand il s’agit de meubler les murs d’un château. Moins habile ou moins discret, le peintre à la recherche de cet absolu eût été vite taxé de diverses hérésies. Dans la nouvelle de R. Biberfeld, le Chevalier de Sainte-Croix ne s’y trompe pas. Avec son flair de policier il subodore un secret, même s’il vise à côté. Champbièvre en tire profit, laissant se propager une boutade, et qui n’est que boutade, mais par où se fait la monstration de l’excellence de sa peinture. Conscient du fait que le réalisme de la technique ne servait qu’à masquer la non figuration du réel il ne voulut dans ses essais que laisser la trace de ce qu’il advient du réel après une désidéalisation radicale. Les temps n’étaient pas mûrs pour une telle révélation. Paraphrasant Susan Sontag ‘La réalité c’est ce qui ressemble à la photographie’, nous pourrions dire que pour les contemporains de Champbièvre, la réalité était encore ce qui ressemblait aux tableaux. A la condition qu’ils fussent ‘réalistes’ dans leur facture c’est à dire teintés d’un mythologisme de bon ton. En 1650, Laurent de la Hyre est à la tête de l’Académie et peint l’Allégorie de la Grammaire : une gironde ménagère arrosant des fleurs de rhétorique en pots avec un pichet de grès bleu... VOX LITTERATA ET ARTICULATA DEBITO MODO PRONUNVCIATA. L’historien de l’art retiendra de la nouvelle de R. Biberfeld la rigueur et la pertinence de sa documentation, plus qu’honorable pour un spécialiste du langage. Du beau langage. K-S Giacherre – Rome 2002 |
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NOTES
Langue : Références :
© nouvelle R.C. Biberfeld
© photos f grollier 1979 / jh robert - 2003 |
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