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Albert BIÈVRES

TAPIS

Fêmea - par Salah Abdal Sabur
Fêmea - par Salah Abdal Sabur (1931 - 1981)
Parc de la Fondation  Gulbenkian - Lisbonne
    Quand le poisson est pris, on oublie la nasse.
Quand le lièvre est capturé, le piège n'a plus d'intérêt...
Tchoang-tzeu ;  26 -L
Trad. Léon Wieger
I
Regardez-moi

   - Regardez-moi.
    Je la fixe.
    En général, j'évite de fixer les gens. Ils n'aiment pas trop. Ça les gène de se sentir observés. Au bout de quelques secondes, ils laissent transparaître une émotion, ou plus. Quand on garde les yeux fixés sur son vis-à-vis, c'est pour l'intimider en général. Cela fait partie des codes. Les codes humains, c'est comparable au fonctionnement d'une machine. En beaucoup moins élaboré parfois, mais plus souple d'utilisation. On ne regarde pas à la dépense. Tant de connexions pour n'aboutir qu'à des résultats souvent simples. Dans un dispositif matériel, chaque pièce a son utilité. Le moindre animal dispose d'une machinerie infiniment plus complexe, et sans doute une majorité de pièces qui ne lui serviront jamais de rien. La vie ne regarde pas à la dépense. Vous pourrez vous entraîner jusqu'à ce que muscles et tendons se grippent, exercer votre mémoire, vous efforcer d'utiliser votre cerveau de la façon la plus efficace qui soit, vous croire l'espace d'un instant supérieur à un autre spécimen de votre espèce. Cela s'arrêtera là. Vous ne pouvez pas fonctionner à plein régime. Je n'ai pas besoin de rêver.
    J'ai mes talents comme chacun, et j'ai consacré tout mon temps aux mécanismes les plus élaborés. Dans le monde, je m'occupais de la partie informatique de plus en plus envahissante dans les automobiles produites par la firme qui m'employait. J'organisais des stages pour les garagistes. Il leur faudra bientôt une formation équivalente à celle d'un ingénieur aéronautique pour changer une roue. Et c'est tant mieux. L'usager doit payer chèrement le droit d'encombrer la chaussée. Ce n'était que la partie émergée, et rémunérée, de mon activité. Toute matière inerte ne demande qu'à vivre en symbiose avec une autre matière inerte. Je ne me suis jamais lassé d'explorer toutes les possibilités. Elle envahit le paysage en lui imposant d'autres structures, pour épouser le rythme de nos frénésies. Je suis né bricoleur, pour employer les mots de mon père qui aurait bien voulu me voir faire des études de dentiste, afin de reprendre son cabinet. C'est ma sœur qui s'y est collée. Moi, j'adorais collectionner les instruments. Tous mes cadeaux de Noël ont été des outils. Quand j'ai fait mes études supérieures de bricoleur, j'étais déjà capable de réparer la plupart des dysfonctionnements dans notre demeure. Pas besoin de convoquer le plombier, le maçon, le couvreur.
    Quand il a fallu nous établir, notre maison, c'est moi qui l'ai bâtie, des fondations à la cheminée, avec mes économies, le gros oeuvre et la finition. L'endroit où sont réunis tous les fusibles, d'après Caroline, on dirait le cockpit du Concorde. Caroline, c'est ma femme. Je m'appelle Saturnin. Des noms de canards et de tortues.
    Nous étions faits pour nous entendre. Ce n'est pas moi qui le prétends, c'est Caroline. Elle a de l'esprit pour deux. Et elle dévore des livres pour deux. Moi, j'ai mes hangars-ateliers qui jouxtent la baraque. J'adore quand elle me raconte. La façon dont on bricole un livre, ça ne m'a jamais intéressé. Un pur manuel, pour employer la même expression que mes maîtres, quoique j'aie coupé au lycée technique, où l'on rencontre plus de branleurs que de vrais manuels. On m'accordait pour le reste le bénéfice du doute parce que j'arrivais à écrire correctement dans ma langue maternelle, et que les langues scientifiques, toutes farcies qu'elles soient de symboles, ne m'ont jamais posé de problèmes. Je me suis révélé plus tard capable de concevoir des algorithmes efficaces et simples. Mais j'éprouve le besoin de toucher ce que je fais. C'est du charabia, sans doute, mais je ne vois pas d'autres moyens d'exprimer l'idée. Un besoin qui n'a été qu'à moitié assouvi dans mon métier.
    Quoi qu'en pensent d'aucuns, un entretien minutieux épargne beaucoup de peine. Caroline s'en amuse. Le matin, après m'être dégourdi les jambes sur mon VTC, c'est l'inspection. Je m'assure que tout fonctionne. J'ai conçu, bien avant que ce fût à la mode, une maison écologique. Elle ne m'a coûté que le prix du terrain, des matériaux, et la curiosité de quelques badauds qui me traitaient d'illuminé. Un chantier de deux ans. On louait en attendant. Il a fallu la complaisance d'un architecte de nos amis pour que les plans fussent acceptés. Il n'est au courant que des trouvailles techniques les plus évidentes. La maison, flanquée de son éolienne, avec ses capteurs sur le toit, que je ne pouvais cacher, suscitait la curiosité des spécialistes. Je ne suis pas un militant. Je me suis empressé de doucher l'enthousiasme de quelques fondus. Charbonnier est maître chez soi. J'ai construit mon garage et mes ateliers selon les mêmes principes. Je n'ai besoin de personne pour réparer ma voiture. Je n'ai d'ailleurs jamais eu à la réparer. Quand je travaillais encore, elle avait droit à sa révision hebdomadaire. Après vingt ans, elle a l'air de sortir de l'usine. Presque une pièce de collection. Pour complaire à mes employeurs, j'en changeais régulièrement. J'ai cessé de le faire quand je suis parvenu au sommet de la hiérarchie. Je la sors d'ailleurs très peu. Je suis un être d'une autre époque. Bien que gagnant bien ma vie, je n'ai jamais pris de crédit. Je n'achète que ce que je peux acheter cash. Vu ce que je dépense, je dispose de confortables revenus, que nous dilapidons libéralement, Caroline et moi, quand nous en ressentons l'envie. Nos enfants ne partagent pas mon goût de la belle ouvrage. Je passe souvent chez eux pour effectuer les réparations nécessaires. Il leur arrive de m'appeler quand ils ont un pépin. Je ne suis jamais parvenu à leur inculquer les précautions les plus simples. Quand nous sortons de chez nous, nous descendons à l'hôtel. Je ne vois pas l'intérêt de posséder des résidences secondaires qui nous imposent leurs contraintes. Je ne pourrais pas les entretenir comme la principale.
    Je me suis bien gardé de m'étonner qu'on me mît en garde à vue. C'est un privilège des autorités que de pouvoir retenir un citoyen quand elles manquent de preuves convaincantes. Depuis quatre ans, on trouve dans les endroits où je me rends au début de l'été, avant les grandes transhumances, des jeunes filles étranglées après avoir été violées. Toutes ces filles, très jeunes, sont parties de chez elles sur un coup de tête. La première s'est fait étrangler à Cascais (Portugal), la deuxième à Inverness (Écosse) - Caroline voulait apprécier les charmes d'une nuit vraiment blanche ; la troisième à Cancale (Île-et-Vilaine), la quatrième à Prague (République Tchèque). Circonstance aggravante, des trottineurs du dimanche sont tombés sur un cinquième cadavre, à quatre kilomètres de chez moi, au bord du Canal, que je hante tous les jours à l'aube, avec mon vélo, comme le savent tous les pêcheurs du coin. Je conçois qu'un tel faisceau de coïncidences puisse me rendre suspect. Il n'est pas exclu que mon habileté manuelle dans les domaines les plus divers me donnent quelques atouts dans l'art de tordre le cou à des jeunes filles en rupture de ban.
    J'ai droit, pour la seconde fois, à l'exposé minutieux de ce qui pourrait être retenu contre moi, si je le voulais bien. Je suis sommé de trouver une explication valable. J'étais là, j'avais l'occasion, comme bien d'autres touristes, des penchants sans doute, comme tout le monde, la possibilité sans doute de violer et d'étrangler un tendron largué, pas besoin de chercher l'arme du crime. Je ne cessais de regarder mon interlocutrice. La machine tournait à plein régime, comme celui des moteurs d'une voiture à l'heure de l'auto-bilan. L'avantage des véhicules qui passent l'examen, c'est qu'ils ne provoquent pas d'embouteillages. Le dernier cadavre a donc été trouvé au bord du Canal, non loin de Castevin (Castovi pour les gens du cru qui ne parlent plus le dialecte depuis deux générations, mais tiennent à ce que les deux noms figurent sur le panneau à l'entrée de notre agglomération) où j'habite, ce qui est censé m'accabler. D'autant plus que ma mise en examen n'a pas manqué de susciter la curiosité des journalistes.
    - Avouez qu'il y a de quoi être intrigué.
    C'est la seule chose que je suis disposé à avouer. Mais l'impératif me semblant une simple figure de rhétorique, je préfère continuer à la regarder. À force, ça commence à la gêner. Cela semble exaspérer le collègue qui l'assiste, et dont je sens qu'il viendrait à des voies de fait, sans aucun égard pour les cheveux blancs qui me restent. Il entreprend d'accélérer le mouvement.
    - Comment expliquez-vous un tel faisceau de présomptions ?
    Enfin une véritable question. Je m'efforce de rester objectif.
    - Si je me l'expliquais, je m'empresserais de vous l'expliquer. Ne serait-ce que pour écourter un entretien qui ne représente pour moi qu'un intérêt bien limité, puisque vous n'envisagez pas, ce me semble, de solliciter mon assistance. Je vous aiderais volontiers à m'innocenter, mais je ne vois pas comment. Je comprends bien que je suis le seul suspect que vous ayez à vous mettre sous la dent, ce n'est pas une raison pour essayer de vous induire en erreur, surtout à mon détriment. J'admets également que vous souhaitiez obtenir des aveux, fussent-ils mensongers, en me faisant, comment dites-vous ? craquer, puisque c'est apparemment votre mission. Mais je crains que cela ne fasse pas vraiment avancer votre enquête.
    - Nous avons affaire à un rigolo, grince le fonctionnaire.
    La dame ne l'a pas apparemment entendu :
    - Votre discours se tient, Monsieur Plech, ce qui ne saurait, vous en conviendrez, constituer pour nous une garantie.
    Outre le fait que l'on ne me traite jamais par mon patronyme au village, l'on dit M. Saturnin, je ne vois rien à redire. Cette fonctionnaire est tenue de garder un ton officiel. J'attends patiemment les questions que l'on se doit de poser à un éventuel obsédé.
    - Vos relations avec votre épouse vous semblent-elles satisfaisantes ?
    - Nous nous ajustons heureusement.
    J'emploie à dessein un terme d'artisan. Pour cette dame, l'idée que deux êtres s'ajustent comme deux pièces ne s'impose pas d'emblée. Ses compétences linguistiques lui permettent de sentir que l'adverbe semble adéquat pour ce que je veux dire. Trop adéquat. S'ils sont restés courtois jusque là, c'est qu'on a déjà fait appel à mes compétences il y a quelques années. La formation des policiers à l'informatique laissait encore à désirer. Ils avaient saisi l'ordinateur d'un particulier qui ne s'embarrassait pas de scrupules. Les programmes de ces machines est plus ambitieux que ceux que l'on trouve dans les véhicules ordinaires, et l'indélicat n'avait pas eu le loisir de récupérer son disque dur. Malgré toutes les sécurités (il touchait vraiment sa bille), il ne m'a pas fallu plus d'une vingtaine de minutes pour dépiauter tout ça. Faites donc suivre à quelques membres de votre équipe quelques stages approfondis. Faut vivre avec son temps. Une façon polie de leur faire savoir que je ne suis pas un auxiliaire de police. Un peu plus tard, je leur ai installé leur propre matériel, en tenant compte des dernières trouvailles. Je garde les miennes pour moi. Malgré les charges, ils hésitaient à priver le village d'un plombier, d'un électricien, d'un couvreur toujours prêt à rendre service. Mes propres innovations je les garde pour moi. Pas question de les faire breveter. J'ai eu à m'entretenir avec un représentant de hackers mécontents, en terrain neutre, à une table correcte. J'avais installé dans mes programmes un dispositif boomerang qui m'épargnait la peine de les nettoyer régulièrement. De quoi griller ceux des intrus qui s'amusent à introduire des virus, en remontant à la source quelles que soient les précautions. Des tas de saletés traînent sur la toile. Il en est qu'aucun filtre ne réussit à désamorcer. Mon système touche directement le responsable. On avait jugé bon de m'envoyer un ambassadeur. Mon espièglerie avait occasionné quelques frais. Ce n'est pas rien de remplacer des installations irrémédiablement grillées. J'avais immédiatement rassuré l'ambassadeur. Non, je n'avais pas l'intention de commercialiser le logiciel. Cela reviendrait à me lancer dans une stupide bataille de tranchées, les assiégés et les pirates rivalisant d'ingéniosité. Autant de temps perdu. Je proposais une paix armée. Dès qu'une image apparaîtrait, cela voudrait dire, tenez-vous en là, braves gens. Tant pis pour ceux qui passeraient outre.
    Je garde aussi pour moi mon système contre les maraudeurs. Une petite gageure que je m'étais proposée au moment de construire ma baraque écologique. Parvenu à un certain point, celui qu'on n'a pas invité déclenche un mécanisme qui ferme toutes les portes. Et elles sont solides, aussi difficiles à forcer que l'entrée. Pendant que l'alarme couinera comme une âme en peine, et qu'à l'intérieur on profitera d'infra-sons du genre déplaisant. Sous les tuiles du toit et les capteurs, un système de résilles juxtaposées où les masses s'enfoncent en vain. Je n'en serais quitte que pour les réparations. Je n'ai rien contre les maraudeurs. Si l'on ne sait comment s'y prendre, mon matériel devient carrément inutilisable dehors. Et j'ai assez de sous pour le remplacer. Pas de meubles de prix, pas de bijoux. Ce qui m'amusait en fait, c'était la prouesse technique, le bricolage. Et ce à partir d'objets que l'on peut trouver dans le commerce. Les bons jardiniers ont la main verte. Je l'ai pour tout ce qui touche la matière. J'aurais pu suggérer bien des innovations quand je travaillais dans l'informatique automobile. Je les réserve pour mon usage particulier.
    Je suis la providence du quartier. On l'a vu quand un accident industriel a provoqué un peu partout des déplacements et des fissures. Il n'en a coûté aux usagers que le prix du matériau. S'agissant de notre maison, j'ai mes propres alertes. Caroline est une bonne jardinière. Je lui ai installé un réseau de goutte à goutte si efficace qu'on pourrait l'utiliser dans un désert. Ce qui ne la dispense pas de sarcler, d'ébouillanter les mauvaises herbes, de s'occuper des arbres. Ce n'est pas mon rayon. Les cellules vivantes échappent à mes attentions. Je n'aurais pas fait un bon médecin. Ni un bon dentiste quoi qu'en ait mon père. En revanche je suis fort sensible aux mécanismes qui se créent d'eux-mêmes quand deux êtres vivants ou plus de la même espèce se trouvent en présence. Quoique l'on en pense, les phénomènes éthologiques obéissent à des lois mécaniques. Et les lois mécaniques relèvent de mes compétences. Deux individus donnés effectuent, quand leurs relations se prolongent, des réglages dont ils restent inconscients, et qui échappent aux protocoles. C'est pourquoi je nourris quelques doutes sur l'analyse. Celui qui interprète ce qu'il entend, et pose de temps en temps une question, quand il ne se contente pas de hocher la tête, ne fait que mettre en branle une relation censée donner des résultats. C'est aussi pertinent que lorsque des syndicalistes se mettent à plusieurs pour pondre une motion. On aboutit à quelque doléance dans le jargon couramment accepté. Je ne connais pas les gens. Mais je peux saisir les procédures de mise au point. Surtout celles qui répondent à certaines exigences, comme celles d'un interrogatoire. Un équilibre a fini par s'établir entre la commissaire qui aimerait bien que l'affaire avance, le lieutenant qui l'assiste et moi-même. Ce qui ne rassure pas le lieutenant. L'affaire pourrait tourner à mon désavantage. Tant pis pour les services rendus. Il entreprend de me bousculer.
    - Je t'en foutrais des ajustements heureux ! Qu'est-ce que ça veut dire? Comment ça se passe ? Regarde-moi !
    Je ne puis regarder deux personnes à la fois. Je cesse donc de fixer la dame, pour satisfaire le monsieur. On va essayer de répondre le plus exactement possible bien que l'on soit justement agacé. À quoi rime ce brusque tutoiement ? Est-ce que je lui demande s'il lui fait feuille de rose, à sa morue officielle ?
    - Connaissez-vous les paroles de "Jean-Gilles, mon gendre" ? Une chanson de salle de garde.
    - Mais c'est qu'il se fout de nous ! Et il essaie de nous mener en bateau !
    Une impertinence pour le faire sortir de ses gonds, et mesurer ses rapports avec sa supérieure.
    - Je ne vous invite pas à m'accompagner à Messine. Nous n'avons pas assez d'atomes crochus.
    Normalement, j'ai droit à un pain. La dame ne détourne pas les yeux pour l'autoriser à me le filer. Elle ne quitte pas la salle. D'un regard, elle calme les débats.
    - Trouvez-vous que c'est vraiment le moment de plaisanter ?
    - Je ne plaisantais pas. Une bonne analogie fait gagner du temps. Un certain Jean-Gilles, qui vient de se marier, demande à son beau-père, à propos de son épouse : "Mais que devons-nous faire quand nous sommes entre nous ?" Je vous épargne les suggestions du beau-père. Les chansons de salle de garde n'obéissent pas aux règles de la bienséance. Mais je donne la réponse qui me semble la plus appropriée : on fait ce qu'on peut et ce qui plaît. Nous dirons donc que Caroline et moi, nous parvenons encore à faire ce qui nous plaît, sans avoir besoin de chercher des expédients pour arriver à le faire. Le détail ne concerne guère l'affaire qui nous occupe. Je n'ai jamais violé ni étranglé Caroline, qui d'ailleurs n'a que cinq ans de moins que moi, et se sent parfaitement à l'aise en société, ce qui ne semble pas être le cas des victimes. Mes bricolages m'occupent suffisamment pour que je n'aie pas besoin d'occuper mes mains autrement, même en vacances. Et encore moins ici, où je suis souvent sollicité pour différents travaux. Pas besoin d'une enquête de proximité pour vous en assurer. Cela dit, je comprends votre attitude, vous n'avez pas qu'un cadavre sur les bras.
    Caroline aurait ajouté que ce n'était pas une raison de me les coller sur le dos. Les calembours ce n'est pas mon fort, et j'ai assez échauffé les humeurs du sanguin. Je conclus donc sur une note apaisante :
    - Vous êtes tenus d'envisager toutes les possibilités. Je conviens que j'en représente une de prometteuse. Vous comprendrez que je ne regrette point de ne pas répondre à vos attentes.
    Je crois avoir fait le tour de la question. Je les laisse se remettre. Ils s'accordent une petite pause, voir s'ils ne trouveront pas un autre angle d'attaque.
    Le lieutenant est un bon faire-valoir. Cela ne ressemble pas vraiment au numéro largement utilisé dans les feuilletons policiers, l'accommodant et le brutal, le Pierrot et l'Auguste. Il joue un rôle dans le mécanisme. C'est sans doute une fausse brute, qui vous prépare aux importunités du compagnon de cellule et du gardien qui fermera les yeux. La prison n'a jamais à mon avis corrigé qui que ce soit. C'est un spectre que l'on brandit devant les populations. Il serait moins effrayant si les conditions de détention étaient humaines. Ceux qui parlent de les améliorer ignorent leur fonction. Je dois envisager une préventive qui m'épouvante moins que d'autres. Les prisons doivent être des machines comme les autres. Dès qu'on est deux, quelque chose s'enclenche. J'ai très vite appris à contrôler le fonctionnement de cette machine, suffit de faire abstraction des gens qui la composent, en déterminant la nature de la pièce. Encore faut-il pouvoir considérer nos semblables comme des pièces. Il n'y a rien de méprisant dans ce que je dis. Je suis une pièce comme une autre, dès qu'une relation s'établit qui dépasse le cadre de la courtoise neutralité. Suffit de trouver le régime adéquat. Concernant les sentiments, nous sommes à une époque où tout le monde veut vivre en surrégime. L'influence, si j'en crois Caroline, d'un dix-huitième pleurard qui dégénère en fontaine au siècle suivant. Je n'étais pas de bois. Il n'y a rien d'ingrat dans ma physionomie, je dispose d'un physique passe-partout, je ne suis pas du genre à formuler des exigences. La surenchère est étrangère à mon caractère, on est tenu, à moins d'être un tyran, de proposer autant qu'on réclame. Sans être à l'affût des aubaines, je me suis assez souvent laissé séduire. Quelques mots pour que le mécanisme se mette en route, et j'étais disponible. Je trouvais d'instinct les expressions et les gestes, les attentions bienvenues. L'on finissait par me congédier parce que je négligeais d'introduire les dysfonctionnements dont la plupart des amants font leurs choux gras. Caroline est passée entre les mailles. Je n'étais pas d'une beauté confondante, ce qui éliminait celles qui rêvent à ce qui se fait de mieux, un bonheur trop plan finissait par décourager celles qui ne vibreront jamais assez. Il était inévitable que, rencontrant Caroline, je finisse par me fixer, je passerais sinon encore de concubinage en concubinage. Caroline est la seule femme que j'ai connue, qui se contentât d'un réglage impeccable. Je ne l'ai pas trompée. Je ne crois pas qu'elle soit allée chercher ailleurs, à moins que ce ne fût pour s'offrir une gaieté, ce qui me semblerait improbable si j'étais d'humeur à m'inquiéter. Une de mes passions d'autrefois (je parle de passion parce qu'elle était passionnée) m'a lâché, avant de claquer la porte, que j'étais aussi vivant qu'un poisson mort. L'intensité de la vie devait pour elle se mesurer avec un ampèremètre. Je crois aux vertus d'un entretien régulier. Je vérifie les joints de mes robinets dès que je sens la plus légère anomalie, je remplace les pièces les plus fragiles de ma voiture avant qu'elles ne lâchent, entraînant une réaction en chaîne. Quand les enfants vivaient encore chez nous, je tirais parti de leurs impatiences pour en atténuer les effets. Tous leurs efforts, au demeurant prévisibles, pour bousculer la bonne ordonnance de la famille ont été neutralisés sans éclat. J'ai même survécu, dans ma vie professionnelle aux intrigues, et je suis parvenu à avancer sans me pousser. Les mécanismes sociaux, comme ceux qui se fondent sur la matière, contiennent leur principe de destruction. Les naines rouges furent des soleils comme les autres. Je ne fais que ralentir le processus l'espace d'une vie humaine, la mienne. Ce qui me rend particulièrement lénifiant, trop lénifiant même dans ce cadre. La commissaire s'en rend compte. Toute enquête poussée sur ma vie s'avérera stérile. Je ne suis pas un bon client. Les pires criminels, il est vrai ne paient pas de mine.
    Une chose m'intrigue cependant. La commissaire n'éprouve aucune peine à refréner les furieux élans du lieutenant. Et je ne la vois pas en dompteuse de fauves. Aucune énergie contenue, aucune main de fer sous un gant de velours. Les collègues, ça devient comme les vieux couples qui ont pris leurs marques. Un spectacle bien rôdé qui vaudrait le déplacement si l'on ne vous déplaçait pas sans vous demander votre avis. Les rouages me semblent étrangement bien huilés dans ce commissariat. La commissaire, trois lieutenants dont celui-ci, et une autre personne du sexe. Je me sens incapable de distinguer les commandants des capitaines dans cette petite riche ruche. J'en déduis que cette équipe doit être plus efficace que d'autres. Ce n'est pas que ça colle. Ça marche, au delà des sympathies et des antipathies. Fait assez rare pour être noté. Au moins ne m'aura-t-on pas déplacé pour rien. S'il y a un lieutenant un peu sanguin, c'est qu'ils en ont compris l'utilité. Cette utilité doit être réelle, puisque je me rends compte que la machine ronronne. J'envisage même la possibilité que le butor n'en soit pas un. L'on ne se méfie pas des colériques. On croit qu'ils vous malmènent parce qu'ils n'ont aucun autre moyen de se procurer des renseignements. La hiérarchie demande des résultats. Il faut pouvoir présenter une boîte pleine de biscuits pour qu'un juge puisse instruire. Dans une affaire de pédophilie, je serais déjà en face d'un manche à balai qui ne m'écouterait même pas, comme s'il s'agissait de respecter un quota. La presse nationale n'est pas encore sur le coup. Ils iront sans doute jusqu'au bout de la garde à vue. Vingt-quatre heures reconductibles si un magistrat compétent les y autorise. Comme on ne me soupçonne pas de m'adonner au terrorisme ou au trafic de stupéfiants, je ne risque pas d'être retenu quatre jours. Bonne pâte, je n'ai pas insisté pour qu'on me soumît à un examen médical, et je n'ai pas demandé à m'entretenir avec un avocat. On a bien voulu prévenir ma femme, cela ne pouvait troubler le bon déroulement de l'enquête, bien au contraire. L'essentiel, c'était que je ne fusse pas présent lorsqu'on l'interrogerait. Leurs collègues n'ont pas été déçus du voyage. Elle n'a pas manqué de faire remarquer qu'elle se trouvait également sur les lieux, en ajoutant qu'elle se régalait d'avance à l'idée de visiter les locaux où l'on interroge puisqu'à bien y réfléchir, les mêmes charges pesaient sur elle. Elle est comme ça, pince-sans-rire, mais mutine. Je n'avais pas pensé à cette farce. Comme je suis incapable de répéter mot pour mot ce qu'elle a répondu quand on l'a interrogée sur la nature de nos relations, je vais essayer d'en donner un compte-rendu approximatif, fondé sur ce qu'elle en a dit plus tard.
    - Il me plaît toujours, et, d'après ce que j'ai pu constater, je lui plais encore, et nous sommes bien décidés à continuer de nous plaire, tant que ça nous plaira. Vous n'ignorez pas que chaque couple trouve assez vite les attentions qui transportent et s'y tiennent. Elles nous transportent encore assez pour que nous ne soyons pas obligés de nous torturer l'esprit pour rester aimables. Les précisions anatomiques ne me semblent pas indispensables. Vous avez assez d'expérience pour m'entendre à demi-mot. J'ajoute que nous n'avons jamais songé à nous convertir en couple satanique. Vous n'êtes pas obligés de nous croire. Aurons-nous droit à une petite confrontation ?
    Paraît que la mine des officiers de police judiciaire était à peindre. Au moins pouvaient-ils s'appuyer sur un fait : nous étions là.
    Ils n'envisageaient pas, en tout cas, de gagner dans l'opération une inculpée supplémentaire, qui ne demanderait qu'à se hisser à la dignité de prévenue.
    Caroline a toujours eu du goût pour les mystifications. Mais elle s'efforce en général de ne pas outrepasser les bornes du bon goût. J'imagine que ma garde à vue lui inspire une sainte colère. Elle n'ignorera pas qu'on la soupçonnera de vouloir brouiller les pistes ; qu'on imaginera le pire ; que nous représentons des criminels d'une autre trempe, parfaitement cyniques et sûrs de rester impunis, pour qui les officiers de justice ne représentent qu'un divertissement supplémentaire, et craignant si peu d'être confondus qu'ils s'installent comme chez eux dans les locaux mêmes où l'on pense les contraindre.
    Ils la connaissent mal. Les meilleurs canulars sont pour elle ceux que la victime ne peut soupçonner. Les rigolos qui se tapent sur la cuisse au moment même où ils révèlent le fin mot la font penser à des pâtissiers maladroits incapables d'amener une pièce montée jusqu'à la table où l'on se prépare à la déguster.
    Il est vrai qu'ils en prennent assez à leur aise, les limiers perspicaces pour que l'on ait gagné le droit de se détendre. Ils oublient qu'un prévenu n'est qu'un usager comme un autre tant qu'on instruit son affaire. Il l'est encore au tribunal, jusqu'à ce qu'on le condamne. Il n'existe aucune raison de leur infliger les méchants procédés que l'on juge sans conséquence dans les salles de police. La Nuit du 4 Août était censée abolir les privilèges à venir, y compris ceux des enquêteurs impatients. Il est vrai que, comme tous les révolutionnaires qui se respectent, les jacobins se sont empressés de donner le mauvais exemple. On ne pense jamais assez bien pour les gens qui veulent réformer les sociétés imparfaites. Concernant les policiers, je ne suis pas sectaire. Si l'ensemble des usagers admet de telles pratiques (il n'y a aucun mal à bousculer des affreux qui n'hésiteront pas s'ils peuvent à vous bousculer), je suis prêt à les accepter. En tout cas, l'on n'a pas jugé utile de m'interpeller à l'aube, de me menotter, et de m'introduire le doigt dans le rectum comme l'on fait aux journalistes. On m'a simplement gardé dans le commissariat où l'on m'avait simplement prié de me rendre, ce que j'ai fait, et à l'heure dite. On m'y a fait patienter trois bonnes heures avant de s'occuper de moi. Plus que pour un examen de routine dans un hôpital. J'arrive à l'âge où l'on passe un certain temps dans les salles d'attente. Trois heures, cela devait faire partie de la mise en condition. J'ai dû les décevoir en ne protestant pas. J'étais censé me ronger les sangs. J'avais apporté de la lecture. Tout cela pour me dire :
    - Vous devez vous douter des raisons de votre présence en ces lieux.
    À quoi, j'ai répondu :
    - Je ne me suis pas posé la question. Mais je suis ouvert à toutes les suggestions.
    Une machine en panne, il ne faut pas l'aborder avec des idées préconçues. Je n'anticipe qu'à coup sûr. La première était sincère. Dans la seconde, j'entendais exprimer ma bonne volonté, mon désir de coopérer, comme ils disent. Ce n'est pas ainsi que mes interlocuteurs les ont comprises. On ne prête jamais une attention suffisante à l'état d'esprit de ses interlocuteurs. Caroline m'a un jour expliqué que tout le tragique de Racine reposait sur des gens qui ne disent jamais ce qu'il faut quand il faut aux gens qu'il faut. Le théâtre de boulevard utilise moins finement les mêmes artifices, en se contentant de modifier le rythme et les situations, en usant des armoires plutôt que des rideaux qui cachent un puissant redoutable. Le contexte était spécial. J'entrais dans la catégorie des petits malins. Caroline m'a parlé d'une certaine Jane qui, dans une nouvelle de Somerset Maugham, ne se rend vraiment pas compte qu'elle est une humoriste. Les rires de l'assistance la plongent régulièrement dans une profonde perplexité. Elle estimait n'avoir que du sens. Pour un enquêteur, je devais paraître singulièrement impertinent.
    Heureusement que ma mine ne s'accordait pas à ce genre d'interprétation. Le ton restait courtois. Mon visage n'exprimait même pas l'impassibilité du pince-sans-rire. Je m'appliquais à gommer tout effet incongru. Tant pis si, à leurs yeux, je me comportais instinctivement comme un habitué qui connaît la musique. Ils avaient du mal à se faire une opinion. Le lieutenant bouillait. La commissaire avait sûrement obtenu des succès en se laissant entraîner sur le terrain de l'adversaire.
    - Quand nous convoquons un citoyen, c'est que nous nous posons des questions. C'est notre métier de nous poser des questions, et nous comptons un peu sur vous pour nous aider à y répondre.
    Je vois le mécanisme s'enclencher. Une approche apparemment innocente. Boulon cherche écrou. C'est comme ça que cela se passe en général pour les êtres humains. Civilités et signes de reconnaissance pour l'occasionnel, bricolage sur le tas si quelque affinité. Un policier doit établir un rapport avec l'individu dont il attend une réponse. L'autre est censé se montrer agressif, indigné, complaisant, manipulateur ou fuyant. La simple neutralité, assaisonnée d'une ombre de curiosité, ils ne sont pas habitués. Je devrais affirmer ici que je suis prêt à donner toutes les réponses que l'on voudra dans la mesure de mes possibilités, mais que je serais bien en peine de fournir le moindre renseignement si j'ignore de quoi il s'agit. À quoi l'on me rétorquerait que l'individu le plus ordinaire, même s'il ne se pose aucune question, comme je viens de le reconnaître, sait plus de choses qu'il ne croit. On peut à mon avis faire l'économie de ces répliques. Je patiente. Pas longtemps.
    - Vous avez sûrement entendu parler de cette jeune fille qui a été retrouvée sur les bords du Canal.
    Je me contente de hocher la tête. Faudrait être sourd pour ne pas en avoir entendu parler. Il ne se passe pas tant de choses que ça, à Castevin. Il n'était bruit que de cela chez la boulangère, le marchand de journaux, et au Huit à Huit.
    - C'est un trajet qui vous est familier. Vous rentrez quand la majorité des gens se lèvent. Et je vous comprends. En bicyclette, vous ne risquez de rencontrer que des pêcheurs, des colverts et des ragondins.
    Comme elle semble attendre une réponse, je ne me fais pas prier :
    - C'est exact. Pour l'instant, je n'ai pas rencontré de cadavres.
    - Si vous avez particulièrement retenu notre attention, c'est qu'un meurtre identique a été commis à Cancale, quand vous y séjourniez.
    - En effet. Je ne savais pas alors qu'il serait identique à un meurtre à venir. Cela a même fait la une de la presse locale, il y a eu des articles dans les quotidiens nationaux, et la télévision régionale en a profité pour se livrer à une sorte d'enquête de proximité. J'ai pu apprécier le sérieux du gendarme que l'on interviewait.
    Je me retiens d'ajouter que si l'on me garde assez longtemps j'aurai moi aussi droit aux attentions du petit écran.
    - Vous ne pouviez évidemment pas lire dans les journaux que des crimes comparables avaient été commis à Cascais, Inverness et Prague au moment où vous vous y trouviez. Les touristes ne s'intéressent guère à la presse locale. On dirait que vous agissez à la façon d'un révélateur. Votre présence fait apparaître des cadavres de jeunes femmes un peu marginales, toutes violées, toutes étranglées. Vous comprendrez que nous nous posions des questions.
    - D'autant plus que chaque meurtrier a eu l'indélicatesse de s'équiper d'un préservatif.
    - Voilà un détail que nous n'avons pas jugé utile de vous communiquer.
    - Et qui va de soi. Vous ne m'avez pas encore mis en demeure de fournir un échantillon de ma chevelure ou de ma salive.
    Mon emploi du temps à Castevin ne pose aucun problème. Je me trouvais comme chaque matin au bord du Canal entre chien et loup. J'avais donc la possibilité de forcer et d'étrangler cette enfant, après avoir appuyé mon vélo à un platane. J'aurais pris soin de laisser le cadavre bien en vue, au milieu du chemin, avant de repartir. La capote soulève certaines objections. Caroline ne pouvant plus avoir d'enfants (quand elle pouvait en avoir, elle prenait la pilule), nous n'avons besoin de prendre aucune précaution quand nous sommes d'humeur. Si les policiers perquisitionnent, ils n'en trouveront pas chez moi. Inutile d'interroger le personnel de toutes les pharmacies des environs, l'article est en vente libre dans les supermarchés.
    On se déclare surpris que je sois si au fait des techniques de la police scientifique. Je rétorque que les techniques en question, on les emploie quand un drôle a le malheur d'emprunter le scooter d'un rejeton dont le père se trouve être président de la République. Les criminels d'aujourd'hui regardent comme moi la télévision, ce qui les incite à prendre des précautions supplémentaires. Du reste, les progrès de la police scientifique fournissent assez d'arguments aux conteurs depuis les travaux de M. Bertillon.
    - C'est qu'il a réponse à tout, grogne le lieutenant.
    Bien obligé quand on est interrogé. Je m'abstiens de souligner les conditions injustes à laquelle doivent se soumettre les suspects. Ils s'enfoncent quand ils ne trouvent pas de réponse. Ils s'enfoncent encore plus s'ils répondent trop aisément.
    Je ne désespère pas. Les spécimens auxquels j'ai affaire me semblent assez fins. Ils seront capables d'envisager le moment venu un changement de perspective aussi radical que celui que Galilée, après Copernic, a eu du mal à faire accepter.
    Prévenant d'autres questions, je précise que j'ai loué des bicyclettes dans tous mes lieux de villégiature, ce qui m'offre un rayon d'action raisonnable. Je dors peu, et j'ai besoin de me dégourdir les jambes quand j'émerge.
    C'est moi maintenant, qui me sens d'humeur bavarde.
    - On aura donc retrouvé toutes ces jeunes femmes sur des chemins où je pouvais m'engager, assez fréquentés cependant pour qu'on les retrouve assez vite. Les pistes cyclables dans les sous-bois ne sont pas assez passantes. Ôtez-moi d'un doute : en a-t-on trouvé dans des parcours qui n'étaient pas goudronnés ?
    Le lieutenant ricane :
    - Voudriez-vous nous faire croire que l'on dépose des cadavres sur vos parcours habituels, rien que pour vous contrarier ?
    L'inversion du sujet cadre mal avec le personnage qu'il se donne. Je hausse les épaules.
    - Pourquoi voulez-vous qu'on veuille me contrarier ? Je n'ai pas assez de compétences pour faire des suppositions. Mais, puisque je suis soupçonné, il est normal que je m'intéresse aux détails les plus insignifiants.
***
Texte  R. Biberfeld - 2009
photo JH Robert - 1995

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