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La seconde tour (nouvelle) |
C'est une renaissance qui mérite d'être saluée par une armée
d'importants. Le chef de l'État s'est déplacé en personne, flanqué de
deux ministres, celui de l'Industrie Moribonde, et celui de l'Écologie
Formelle. Il y a là un maire avec le Conseil Municipal au grand
complet, le président du Conseil Général avec une bonne partie du
Conseil Général, une cohorte de députés, verts pour la plupart,
quelques représentants des partis dits d'opposition, et perdus dans ce
tas, une demi-douzaine de chercheurs, mis à part les responsables de la
centrale. Les profanes ont essuyé, avec une mine apparemment gourmande,
un cours de formation accéléré prodigué par un physicien qui glisse en
passant quelques éclaircissements qui pourraient être à la rigueur
saisis par des étudiants de troisième cycle. Il s'est quand même assuré
que l'idée générale a été comprise par la majorité de la classe, avant
de s'autoriser ces aimables fantaisies avec quelques clins d'oeil
adressés à ses collègues. Sacré Jean-Claude ! Il se recommande par son
naturel facétieux.
Avant la petite collation proposée sur des tables à tréteaux (on saucissonnera à la bonne franquette, le boulanger du coin a fourni des miches monstrueuses, dans lesquelles on a planté des couteaux, que l'élu montre ce qu'il sait faire, il y en aura toujours un pour prendre l'une d'elles à bras le corps avant de la détailler en tranches; les pâtés de campagne et les saucissons à même la table, pas de nappe ; et bon courage à celui qui voudra tirer des copeaux des jambons venus du plateau de Salamanque, du patanegra, messieurs... le charcutier est acoquiné avec un collègue de là-bas ; des dames-jeannes en veux-tu en voilà, avec des anses adéquates, que les petits malins montrent ce qu'ils savent faire sans trop se dégueulasser les manches, vu qu'il n'y a que des gobelets en plastique, à volonté, du solide, mais quand même ! Tout ça, c'est une idée de Jean-Claude : sacré Jean-Claude ! Il a parié qu'on mettrait les gardes du corps à contribution) avant la collation, donc, on amène tout ce petit monde admirer plus haut, derrière de hauts murs, les installations. Une détente après la leçon qui a duré trois bons quarts d'heure. Et comme quand on lâche les minots dans la cour à l'heure de la récréation (amurez les misaines !) l'on a droit à un brouhaha tel que les choucas de la haute tour - plus de cent mètres - commencent à s'affoler. De vieux briscards quand même qui sont jusque là parvenus à ne pas se griller le croupion en survolant les héliostats. Attraction post-prandiale, le compte à rebours. Moment solennel. On mettra la centrale en marche à midi heure solaire, soit quatorze heures, et l'on s'est assuré que le temps s'y prêterait. Un lettré en profite pour faire observer à un petit groupe que Thémis, qui représente l'ordre équitable, est la fille d'Ouranos et de Gaïa. Il était temps que la Terre recueillît l'énergie que lui dispense le ciel par le truchement d'Hélios, lequel ne balade pas son char au-dessus de nos têtes que pour éclairer nos vanités. Le projet lui-même porte le nom du cheval qui est né du sang d'une Méduse. Ce docte badinage d'un élu socialiste rencontre un certain succès auprès de ceux qui, dans l'assistance, déplorent le démantèlement des humanités, mais n'oublient pas le rôle de son groupe dans ce désastre. Sans doute veut-il faire entendre que les humanités renaîtront de leurs cendres comme ce complexe qui faillit être en son temps démantelé lui aussi par l'EDF sous prétexte que le pétrole était redevenu mon marché. En fait, cette centrale voulue par Giscard n'a fonctionné que trois ans sous le premier septennat de Mitterand, lequel ne s'est pas trop opposé à sa mise en sommeil. Si ces installations n'avaient pas pu rendre également quelques services aux astrophysiciens... Plus d'un quart de siècle a été perdu, il fallait mettre les bouchées doubles après avoir procédé aux dernières mises au point. Les politiques et les journalistes congrûment repus, on peut passer aux choses sérieuses. La salle des commandes, raisonnablement spacieuse, ressemble à cette cabine de paquebot dans un film de Groucho Marx où c'est fou ce qu'on pouvait faire entrer de gens. Il est sans doute normal que les représentants d'un peuple souverain qui a plus libéralement rincé que les banquiers de service - ils ne cessent de faire des conneries, et faut les renflouer chaque fois, ce qui revient plus cher que les énergies nouvelles - se trouvent présents, ainsi que l'équipe de télévision régionale priée d'immortaliser la scène, et cette décurie de photographes accrédités qui ne mégotent pas sur les flashs. Des curieux, plus malins, se sont postés en nombre sur les collines environnantes, ne serait-ce que pour surprendre la boule de feu dont on leur a parlé. Ils se sont tout de même équipés de lunettes noires. N'empêche, c'est pis que pour le passage du Tour de France, il y a de la caravane. D'autres badauds ont préféré s'attrouper aux abords de la tour afin de se pénétrer de la magie de l'instant. La plupart ont les yeux fixés sur le cadran de leur montre. Les pistonnés peuvent observer directement le superbe cadran solaire du complexe. Le soleil fait son travail : il atteint son zénith ; l'ombre se cale au point prévu sur le cadran solaire, les choucas se sont prudemment terrés au fond de leurs trous. Vu que les héliostats suivent la marche du soleil et peuvent à chaque instant concentrer leurs rayons sur le point adéquat, on n'était pas tenu de choisir cette heure-là. Mais il ne faut pas négliger la force des symboles. Rien de bien spectaculaire. Il y a bien une brutale incandescence au sommet de la tour, mais une autre, inattendue une trentaine de mètres à gauche, ce qui étonne un peu les observateurs. La plupart des témoins se bornent à enregistrer la chose avec des appareils équipés d'un filtre. On se perd en conjectures plus ou moins niaises sur le phénomène : illusion d'optique, fantaisie atmosphérique. Un rigolo fait remarquer que sur la maquette exposée dans la salle ouverte en général au public, il y a une deuxième tour. On lui fait vertement remarquer qu'une deuxième tour aussi haute que la première ne serait pas passée inaperçue. L'EDF y avait renoncé pour des raisons économiques, avant de renoncer pour des raisons tout aussi économiques à utiliser la première. Le directeur de la centrale, préposé à la manoeuvre, constate que le dispositif produit deux fois plus d'électricité que prévu. L'anomalie ne mettant en danger ni le personnel, ni l'assistance, il n'y a aucun motif sérieux d'interrompre le processus. Il échange un regard avec un de ses collaborateurs, qui lui donne une réponse positive d'un imperceptible hochement de tête. Une partie des héliostats, est orientée, sans qu'on ait rien fait pour, de façon à frapper une cible située tout près de la tour, et à la même hauteur. Un autre membre de l'équipe est sorti de la salle pour téléphoner à un observateur mêlé aux curieux plantés sur les hauteurs environnantes. L'on perçoit bien les deux impacts. On ne sait comment toutes les données et toute l'électricité ont été centralisées dans le dispositif existant, ni quels secrets branchements ont pu être effectués dans un espace fourmillant de techniciens. On a visiblement été capable de se passer également dans la tour virtuelle des énergies fossiles naguère indispensables pour obtenir à l'intérieur des turbines la température adéquate. À croire qu'elle dispose aussi des nouveaux matériaux faits pour essuyer un choc thermique bien plus important. Cela a coûté trop cher pour qu'il fût question de prévoir un autre exemplaire. L'ange du bizarre caresse de son aile des têtes pensantes qui n'étaient pas accoutumées à ce bizarre-là. Un affreux soupçon. Serait-ce un coup de René Couique ? Un ours, ce René Couique. Il ne parle qu'avec des gens qu'il connaît. Et les gens qu'il connaît n'ont pas à s'en plaindre. Un causeur admirable. Qui n'a pas envie de causer devant une nombreuse assistance. Et il réussit à surprendre son monde. Commun, mais pas laid. Il faut qu'il ouvre la bouche. Et un conteur avec ça... Il a vécu dans la région, et c'est un réservoir d'histoires plus ou moins arrangées, dont aucune ne le concerne. Il vit un amour fou avec une institutrice, triathlète à ses heures, faite comme un mannequin. Et personne ne se demande comment elle a pu être captivée par le bonhomme. C'est lui qui aurait dû parler aux profanes. Il est aujourd'hui enfermé dans une des salles où il effectue ses expériences à lui, sans que cela coûte un centime au contribuable. Il y a eu un petit accroc. La triathlète fréquentait en été un club de parapentistes à côté. Cela n'aurait eu aucun inconvénient, si l'un d'eux n'avait pas retenu son attention. Ce n'était pas la passion ravageuse, pas de quoi planter là son bonhomme, mais cela devenait une gourmande habitude. Elle continuait d'apprécier son physicien en son particulier, mais était bien trop franche pour lui cacher quoi que ce fût, même un léger béguin insistant. Le parapentiste est lui-même marié, bien décidé à remanger son bon pain de ménage. Il n'y a pas le feu, mais c'est agaçant. Ça ne l'est pas longtemps... Malgré les avertissements répétés, il lui arrive de survoler le complexe pour le coup d'oeil, en évitant toutefois de se mettre à la portée des héliostats. À croire que la future centrale le fascine encore plus que le paysage pourtant magnifique. Il est peut-être jaloux du brillant causeur, vu qu'il a lui-même autant de conversation qu'une patelle. La légitime ça lui va : elle ne se pose aucune question, et ne lui pose aucune question quand il revient de stage. Les animateurs sportifs, ça fait des stages. Celui-là s'est spécialisé dans les sports dits extrêmes. Il change de continent pour s'aventurer avec sa planche dans les tubes des plus grosses vagues, il dévale en ski des descentes vertigineuses sur des pentes hérissées de rochers, il se colle à des falaises après s'être enduit les mains de magnésie, mais il revient à son foyer plus souvent qu'un marin. Le parapente, à côté, c'est de la petite bière. Il a toujours ramené intacts les groupes à lui confiés. Il sait s'adapter au niveau de chacun, mais pour suivre ses leçons, il faut être affûté. Cette parfaite épouse admet sans doute qu'il se laisse un peu aller au cours de ses stages - qui rapportent et pas qu'un peu au demeurant. Le prestige des pectoraux et des tablettes de chocolat. Plutôt que de lui faire des scènes, elle s'applique à se montrer de bonne compagnie, et ne cache pas son admiration quand il lui parle de ses exploits sportifs, bien qu'il ne sache pas vraiment raconter. Même les enfants, ça n'a pas l'air de les exciter, c'est dire... Il ouvre la bouche, et ce sont les autres qui bâillent. Peut-être cette dame a-t-elle une vie intérieure aussi pauvre que les coffres de la Sécu, mais elle s'est au moins pénétrée de cette énergique maxime de Boris Vian : "On n'est pas là pour se faire emmerder". Il suffit qu'il aime la niche et l'odeur de la paille. Comme d'autres, la compagne du savant n'est qu'une flatteuse passade. Faut croire qu'il a été fasciné un jour un peu plus que d'ordinaire par le troupeau d'héliostats. Par un hasard encore plus extraordinaire, le parapente s'est embrasé en son milieu avant de partir en torche, entraîné par le poids du sportif extrême. Inutile de dire que le reste du groupe s'est égaillé. Mais il est rapidement venu constater les dégâts. Vu le point de chute, le bonhomme n'avait pas vraiment survolé les héliostats. C'était à n'y rien comprendre. Les enquêteurs qui n'ignoraient pas le principe des miroirs d'Archimède n'ont pas manqué de consulter la toile où l'on peut suivre en temps réel l'orientation des héliostats. Suffit de taper thémis-p.v. La vue est trop cavalière au demeurant pour qu'on puisse en tirer des conclusions. Il faudrait être un virtuose pour viser aussi juste sans laisser de traces. Les collègues ont pu mesurer mieux que la triathlète et les enquêteurs la virtuosité de René Couique. Mais ils ne voient pas comment il s'y serait pris sans que personne ne s'en rendît compte. Au demeurant, un parapentiste de plus ou de moins au regard du projet... Et si le gaillard est capable d'une telle performance, il serait encore plus dommage de le perdre. Loin de se réjouir discrètement de l'accident, il a su se montrer si compréhensif, si attentionné avec sa compagne, qu'elle en a été tout émue. Ce devait être écrit, a soupiré le malicieux Jean-Claude. Comme le mariage qui est pour bientôt. Puisque l'on voit ce que peuvent donner deux tours, même s'il s'agit là d'un accident, c'est un encouragement a installer d'autres dispositifs identiques, avec deux vraies tours, vu qu'on ne peut pas automatiquement compter sur une tour virtuelle. D'autant plus que les grandes compagnies pétrolières commencent à investir dans ce secteur. La terre s'épuise à force de fournir des bio-carburants plutôt que des navets ; les combustibles fossiles, vue la demande, vont bientôt manquer ; quant au nucléaire, les minerais, sauf exception, se trouvent dans des pays dont les gouvernants ne songent qu'à faire monter les enchères. Il est temps de prendre des options sur ce que l'on peut trouver n'importe où. On est sans doute à la merci d'un nuage qui passe, mais l'on dispose d'assez de sommets bien exposés, et de zones arides plus faciles à protéger contre les incursions des gourmands. Un seul inconvénient : si l'on peut arriver à produire de l'énergie à la demande, on ne peut la thésauriser. Ce qui n'est pas pour déplaire à ceux qui contrôlent la production. Une des raisons pour lesquelles ses collègues ne s'interrogent pas trop sur le malheureux accident qui a privé la société d'un spécialiste des sports extrêmes, c'est que René Couique a ses idées à lui sur la conservation de l'énergie. On évite de faire tourner les turbines par temps gris. La meilleure façon de dissimuler un laboratoire malvenu, c'est de le cacher dans un autre laboratoire. En fait, les équipements du petit génie sont disséminés un peu partout parmi les instruments dont on se sert officiellement. Ceux-ci peuvent également être utilisés pour autre chose. On s'est bien gardé d'avertir la communauté scientifique lorsqu'un des fours improvisés où les repas mijotaient dans des plats sombres en céramique a fonctionné toute la nuit, exaltant les flaveurs d'un cassoulet savamment composé. Non content d'improviser des protocoles inattendus, René Couique se pique à juste titre de savoir cuisiner. Les parapentistes, on en trouvera en veux-tu en voilà. Mais un technicien comme celui-là... Il faut se l'avouer, il n'est pas nécessaire de mettre tous les héliostats à contribution pour se défaire d'un intrus qui s'aventure à proximité. Archimède ne disposait pas d'un tel matériel. Et il aurait fallu que tout le monde fût d'accord dans la centrale, et personne n'a été sollicité. Un enquêteur qui était au courant des amours de René Couique a carrément demandé au facétieux Jean-Claude : - Est-ce qu'il pouvait le faire ? - Me prenez-vous pour Francis Blanche, avait répondu le plaisant qui collectionnait certains DVD . Un supérieur avait eu la gentillesse de lui raconter le sketch du fakir. Quand même, l'histoire du parapentiste, cette deuxième tour virtuelle... C'est surtout cette dernière qui retient l'attention de l'équipe, mis à part René Couique toujours absorbé dans ses recherches personnelles. Il faut maintenant trouver des dispositifs vraiment rentables et peu coûteux pour que ce soit utilisable à grande échelle. C'est le facétieux Jean-Claude qui a eu l'idée d'installer une maquette des futurs ateliers parmi les autres qui sont benoîtement exposées les jours ouvrables aux visiteurs. Tout le monde a apprécié. Les pouvoirs publics ne savent pas ce que l'on mijote ici. N'empêche : cette deuxième tour, ça finit par être agaçant. On sollicite de plus en plus le petit génie, qui finit par en être lui-même agacé. - Bah, grogne-t-il. Il y a comme un dialogue entre l'univers et nous-mêmes. Il nous propose des énigmes, nous nous efforçons de trouver des solutions. À moins que... - À moins que... insiste le directeur de la centrale. - À moins que ce ne soit le contraire. Un ange plane, qu'il interrompt dans ses évolutions : - Les choucas. - Quoi, les choucas ? - Les animaux sont capables de percevoir certains phénomènes ; ils pourraient nous éclairer... - Comment ? - Tiennent-ils compte de la tour virtuelle ? Je n'en ai pas vus suspendus dans les airs sans remuer les ailes. Mais il se peut qu'ils l'évitent. Nous passons nous-mêmes à travers cette deuxième tour comme qui rigole. Mais les choucas ? - Je ne me sens pas une vocation d'ornithologue. - Moi non plus, mais je peux vous installer des dispositifs pour observer leurs évolutions, et enregistrer leurs cris. Rien de plus facile que de mettre ces données sur un ordinateur. Il appert, au bout de deux semaines : - qu'effectivement les choucas semblent tenir compte de l'existence de cette deuxième tour, - que l'on entend des croassements incongrus venant de secteurs où il n'y a aucun choucas en vue. Comme le fait remarquer le facétieux Jean-Claude, la présence d'oiseaux virtuels n'est pas plus surprenante que celle d'une tour virtuelle. Il se dit autre chose, ce farceur. Après la mort du parapentiste on s'est concentré sur les héliostats. Qu'est-ce qui aurait empêché un bricoleur malicieux d'installer provisoirement un dispositif plus rustique au niveau des récepteurs photovoltaïques, un peu plus bas. C'est le même principe que pour le laboratoire dans le laboratoire. Sauf que là, on peut faire disparaître l'arme du crime tandis que tout le monde s'affaire autour de l'écrabouillé. Trois miroirs pas trop encombrants, il faudrait qu'il reproduise lui-même l'expérience, et il n'est pas sûr qu'il parvienne à une telle précision. L'expérience... Crime ou expérience ? Ce n'est plus un vrai crime, si l'expérience pouvait être ratée. Le parapentiste avait voulu faire une expérience amoureuse, la triathlète était partante. Pourquoi un savant n'aurait-il pas le droit de faire une expérience, lui aussi ? Peut-être que cette expérience-là n'était pas aussi triviale. Juste une étape. Comme la création d'une tour virtuelle à partir de rien... Mais les oiseaux ?... Cela dit, René Couique est bien le seul à ne pas se poser de questions. Il se considère comme un praticien. Mais les angoisses métaphysiques des copains, ça commence à lui friser les moustaches. Il se souvient que du temps de sa jeunesse folle, il alignait des équations encore plus aisément que les autres, bien qu'il estimât que la relativité générale, la physique quantique, la théorie des cordes et toutes les autres bagatelles n'étaient que des jeux pour grands enfants sages. Rien ne lui interdit de monter de toutes pièces une théorie qui rende compte du phénomène. Ce n'est pas la première fois, fait-il remarquer, que l'on envisage la possibilité d'un univers interactif, dans le sens où il existe des jeux interactifs. La preuve, c'est qu'il faut tenir compte de l'observateur quand on se lance dans une expérience. Si la nature se permet d'imiter l'art, d'après Oscar Wilde, l'Univers a bien le droit de répondre aux conceptions des physiciens. Il est vrai que les joyaux de la couronne n'ont pas bougé de place, malgré la difficulté que l'on éprouve à préciser l'endroit où se trouve une particule à un moment donné. Mais ce ne sont là que de misérables analogies. L'on peut envisager la possibilité d'un effet miroir quand un nombre considérable de circonstances se trouve réuni. On a plus vite fait de gagner cinq fois de suite à l'euromillions avec les mêmes numéros, mais le zéro est bien apparu une vingtaine de fois de suite à une table de casino, il y a quelques décennies. L'apparition de la vie, et l'existence d'une planète où celle-ci est possible, s'avère tout aussi improbable. Reste à savoir comment ces conditions peuvent être réunies. Quinze jours perdus - pour lui - à imaginer de nouveaux axiomes et quelques raccourcis, à mettre au point un nouveau jeu d'enchaînements. Le raisonnement est d'une telle évidence que les plus trapus de l'équipe en sont pâmés d'admiration. C'est aussi beau que la Chapelle Sixtine. Un travail qui devra rester confidentiel. On attire déjà un peu trop l'attention avec la production de la centrale. Une nouvelle théorie unitaire serait malvenue. René Couique en tombe d'accord. Il ne s'intéresse qu'à son laboratoire parallèle. Et il va épouser sa triathlète. ***
texte et photos R.Biberfeld - 2010 |
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