Litterature header des traductions du grec


Sophocle

        EURIPIDE
Le Cyclope.................La Raison du plus faible
Alceste........................La Mort en ce Palais
Médée.........................Une Femme humiliée
Les Héraclides............Sans merci 
Hippolyte....................Les Malheurs de la Vertu
Andromaque...............La fillette à son papa
Hécube........................Cruautés publiques...
Héraclès......................Divines interférences
Les Suppliantes...........Le fossoyeur patriote
Ion................................L'enfant du miracle
Iphigénie en Tauride....La rectification
Electre.........................Un jeune homme providentiel
Les Troyennes.............Malheur aux vaincues
Hélène.........................La belle que revoilà
Les Phéniciennes........La mort en héritage
Oreste.........................Emportés par la foule
Les Bacchantes...........La fête à Dionysos
Iphigénie à Aulis.........La précaution inutile

RETOUR AU SOMMAIRE GÉNÉRAL
La tunique de Nessos


tete en feu
Dans cet écrit, il est fait référence à la nouvelle traduction des Trachiniennes de Sophocle par Fred Bibel

   Une provocation manifeste. Que la femme du maraîcher voie régulièrement apparaître de nouveaux manuscrits du bisaïeul d'icelui, passe encore. S'ils sont apocryphes, au moins a-t-on pris soin d'imiter l'écriture du disparu. Mais il semble que l'on ne prenne plus la peine de se maintenir dans les bornes du vraisemblable. Comment le bisaïeul aurait-il pu commettre cette plate ritournelle?

Ne venez pas ma chère
Ne venez pas chez moi
Tous les chats de gouttière
Chantent mon désarroi

Ne venez pas ma chère
Ne venez pas chez moi
La nuit m'est familière
Pour mettre tout à plat

Ne venez pas ma chère
Ne venez pas chez moi
Il n'y a plus rien à faire
La mort pèse son poids

Ne venez pas ma chère
Ne venez pas chez moi
J'ai vidé la saucière
Je compte sur mes doigts

Ne venez pas ma chère
Ne venez pas chez moi
J'n'appell'rai pas ma mère
'on se trouve entre soi

Ne venez pas ma chère
Ne venez pas chez moi
Ma tête est la volière
De nos plus doux ébats

Ne venez pas ma chère
Ne venez pas chez moi
Chacun son ardoisière
L'ardoise l'on verra

Ne venez pas ma chère
Ne venez pas chez moi
Plus besoin d'infirmière
Ni de certificat

Ne venez pas ma chère
Ne venez pas chez moi
Mes plus belles chimères
On en fera un tas

Ne venez pas ma chère
Ne venez pas chez moi
Je jette mes œillères
Et laisse mes regrats

Ne venez pas ma chère
Ne venez pas chez moi
Il n'y a plus de mystère
Rien qu'un tas de gravats

Ne venez pas ma chère
Ne venez pas chez moi
Il faut qu'on m'incinère
Dans des planches de bois

Ne venez pas ma chère
Ne venez pas chez moi
Il faudra bien s'y faire
Je n'ai plus de chez moi

   Fred Caulan a jeté un œil sur les deux premières strophes, avant de se lancer dans une lecture à haute voix, en ménageant des pauses à certains endroits.
   - Simple ritournelle, sans doute, fait-il. Mais qui relève d'un genre des plus nobles, celui du congé. Nous avons constaté le goût du poète pour les sonnets. Un sonnet compte quatorze vers, ce poème compte quatorze strophes. L'on aura voulu vous faire un clin d'œil.
   Quand il se trouve en présence d'une belle mystification, l'honnête homme se doit d'apporter sa pierre à l'édifice. Il n'y a que les béotiens pour claironner qu'ils ne sont pas dupes.
   Un imperceptible clin d'œil au maraîcher, qui caresse un topinambour, avant de poursuivre la démonstration :
   - Le brave homme en est arrivé au point où l'on n'a plus besoin de tendresse, ni de compagnie. La tristesse relève de la courtoisie, l'ironie est une marque de savoir-vivre. Vrai, c'est bien plus profond qu'il n'y paraît.
   Les élégies ont l'avantage d'entretenir des illusions, que les tragiques athéniens ne prenaient pas la peine de flatter. L'on peut mettre un voile sur la brutalité de notre fonds, ignorer que nous sommes tous capables de nous transformer en autant de catastrophes naturelles, et que nous serons un jour ou l'autre obligés d'en essuyer les effets. Sommes-nous encore capables d'entrevoir les forces qui nous travaillent et nous échappent ? Sous couleur de les canaliser, certains doctes en ont fait le thème de jeux de société dont ils peinent à définir les règles. Marcel Couquemal faisait grand cas des leçons que nous prodiguent les grands tragiques, dont il ne faut pas retenir que des extraits. Dans les entretiens qu'il conduisait à La Petite Fille Rousse, il avait déjà exploré l'œuvre d'Euripide, et n'avait pas été surpris que l'assistance pût offrir des exemples contemporains. Cela fait cinq ans que ses cendres ont été dispersées par un fort vent d'Autan, une partie a dû en être entraînée jusqu'à l'entrée de Mondonville. Les voitures stationnées autour du funérarium, suivant le principe qui permet aux plantes de se reproduire en mettant les animaux qui passent à contribution, ont dû en déposer de Cintegabelle à Grisolles, de Puylaurens à l'Isle-Jourdain.
   Fred Caulan a voulu lui rendre hommage en s'attaquant à Sophocle sur la terrasse où se réunissent les Philosophes du Potager. Marcel Couquemal ne lui a-t-il pas dit un jour : "Les Trachiniennes sont comme un adieu à notre brutalité ?" Il en a touché un mot à l'une des nouvelles venues de La Petite Fille Rousse, une éminence en la matière, qui mène à la baguette son maigre troupeau de futurs hellénistes, lesquels gémissent sous sa main de fer, mais en redemandent, vu que la dame ne vous dérange pas pour rien. Marie Verbsch ne croit pas aux vertus d'une racoleuse complaisance, et s'en voudrait de confier les grimauds à des esprits flasques se nourrissant d'à peu près. Elle monte rudement la garde aux jurys des concours où elle effraie jusqu'aux examinateurs. Une exigence attentive, et nuancée de l'indulgence que l'on doit à ceux qu'une époque un peu troublée invite à se laisser aller. Sinon, suivant ses termes, il n'est personne qui soit digne de son mépris. L'on porte aux nues son édition savante de Sophocle (où elle fait un sort à chaque nuance. Ah, ses apparats critiques !... Ses suggestions quand le texte est dégradé !...), elle jette son froc aux orties, quand elle en donne une version légèrement différente sous le nom de Fred Bibel, un rigolo qui se ferait impitoyablement recaler à l'agrégation s'il en soumettait des extraits aux doctes. Sans doute Fred Bibel estime-t-il qu'on rend justice à un auteur en se montrant cavalier. Marie Verbsch ne mange pas de ce pain-là.
   Ce qu'a dit Couquemal ne lui semble pas a priori inepte. Le docte hésite sur la date de composition des Trachiniennes, d'Ajax et d'Antigone, et il trouve toujours un ou deux arguments pour justifier sa chronologie. Pourquoi ne pas partir d'autres critères ? Tout part de la tendance d'Héraclès à se croire tout permis. Nous restons dans le domaine bien connu de l'hubris des grecs (d'aucuns mettent un y) dont Eschyle ne cesse de souligner les dangers. Le vocable démesure ne rend pas tout à fait justice au phénomène. L'avidité des spéculateurs actuels n'en donne qu'une idée approximative.
   Le maraîcher connaît le thème. En principe, il ne participe pas aux entretiens. Il a juste dit par politesse, avant de rejoindre ses plate-bandes :
   - Ceux qui peuvent se servir ne se connaissent plus.
   Une contribution substantielle à ce qui va suivre.
   - Les spectateurs de Sophocle connaissaient les mythes, qui sont loin d'être aussi figés qu'on le croit, dit Fred Caulan, et savouraient les variantes. Que savaient-ils au juste ? dit-il en se tournant vers l'épouse du maraîcher. C'est elle, après tout la maîtresse de maison, et elle a dû se préparer.
   - Ils connaissent au moins cinq faits. Dans l'ordre : Après avoir tué l'Hydre de Lerne, Héraclès a récupéré son sang empoisonné pour en frotter le bout de ses flèches. Il a conquis Déjanire en affrontant le fleuve Acheloos, qui changeait de forme d'une façon effrayante, se présentant volontiers comme un taureau, un serpent, et un homme horriblement cornu. Le couple a croisé le Centaure Nessos qui servait de passeur : il fait passer Hercule, pas de problème, en faisant passer Déjanire, il essaie de la forcer avec un tel enthousiasme qu'il s'épanche à tout va avant de pouvoir parvenir à ses fins. Hercule l'abat avec une de ses flèches. Avant de mourir, il donne à la bonne femme une recette de Centaure : avec un mélange de son sperme, de son sang, et d'un peu d'huile, on peut se fabriquer un philtre d'amour, je ne vous dis que ça. Quoique marié, Héraclès n'hésite pas à se mettre sur les rangs, dans un concours de tir à l'arc, dont la princesse Iole est l'enjeu. Il gagne, et attend qu'on lui donne le prix de sa victoire. Deux versions : C'est Iole qui refuse de partir avec l'indélicat, déjà marié, et Héraclès tue son père et dévaste son pays, ou ce sont les parents qui se dérobent et le résultat est le même. Certains disent qu'elle aurait essayé de se donner la mort en se précipitant d'un rempart, mais que ses vêtements trop amples se seraient transformés en parachute. Quoi qu'il en soit, Déjanire, qui avait des enfants déjà grands, éprouve quelque inquiétude. Elle se rappelle que la recette du Centaure est censé lui ramener son époux. Sophocle l'a un peu édulcorée. Il ne retient que le sang. Elle passe donc son petit mélange sur une tunique qu'elle lui envoie, avec les effets que l'on sait. Héraclès souffre tant, que son fils Hyllos doit faire brûler son corps pour abréger ses souffrances. Le bûcher, et la fin du héros font partie du folklore.
   Marie Verbch hoche la tête. Elle n'aurait pas fait mieux.
   - Nous avons affaire à une dame inquiète. Elle ne cesse de se ronger, d'attendre le retour de son mari, et quand elle apprend que celui-ci ramène une jeune captive dans l'intention de l'épouser, elle est prête à tout pour le garder, y compris au premier expédient auquel elle pense. Dans un premier temps, le spectateur comprend la raison pour laquelle elle s'en sert. Dans un second, l'on voit les effets. Elle s'est donné la mort avant qu'Héraclès paraisse sur la scène, preuve qu'elle déplore les conséquences. Comme elle l'a dit, elle va passer pour une infâme alors qu'elle a voulu bien faire, c'est-à-dire préserver son foyer, son couple, et son propre statut. C'est la première femme qui provoque des catastrophes avec d'excellentes intentions. Les autres avaient la politesse de vouloir tuer leur époux. Les Danaides ont tué leurs cousins qu'elles avaient été forcées d'épouser. Agamemnon a dû épouser Clytemnestre après avoir tué son mari et ses enfants, en prime, il sacrifie sa fille pour obtenir des vents favorables, et revient avec Cassandre. On serait agacé à moins. L'on dit qu'elle a longtemps hésité, pourtant, avant de répondre aux avances d'Égisthe.
   - Les dames de Lemnos, continue Fred Caulan, ont exterminé leurs époux parce que ceux-ci les délaissaient, et ceux-ci les ont délaissées parce qu'elles puaient, et elles puaient parce qu'elles ne rendaient pas à Aphrodite le culte auquel elle avait droit. Déjanire, à côté, est une sainte. Elle n'a jamais envisagé de tuer son mari, elle veut juste le garder.
   - Une étrange prétention, dit René Sance, un bouquiniste qui fait les marchés.
   - Une étrange faiblesse, dit Isabelle Higère, graphiste de son état, et tribune (elle refuse d'employer le mot tribun) des laissés pour compte, au parti des sans-parti qui vient de recueillir ses dernières signatures pour les présidentielles.
   Il y a là aussi Luc Taireux, un analyste qui admire les travaux de Marcel Couquemal, Nicolas Siffe, un médiéviste qui juge inculte tout individu qui ignore ce qui s'est écrit dans divers dialectes de langue d'oïl et d'oc de l'an mil au règne de Louis XI, Lucie Biline, étudiante de Marie Verbch, et Claudie Férante qui adore écouter, et ne parle guère.
   - Au début, dit Nicolas Siffe, j'ai reconnu un thème jamais éculé, celui de l'attente des femmes. Déjanire souffre régulièrement de l'absence d'Héraclès, et cette souffrance est indicible. Encore n'a-t-elle pas à essuyer, comme Pénélope, les insolences d'une foule de prétendants. Nous disposons de tout un fonds de chansons de toile... Belle doette as fenestres se siet.
   Il ne peut résister à faire profiter l'assistance de la suite qui passe au-dessus de quelques têtes :

   Lit en un livre, mais au cuer ne l'en tient :
   de son ami Doon li resovient,
   q'en autres terres est alez tornoier
   E, or en ai dol.

   Fred Caulan est ravi :
   - Le dol de Déjanire !
   L'autre continue :
   - Il faudra attendre la Laudine du Chevalier au Lion pour faire comprendre aux époux qui partent à l'aventure qu'ils doivent tenir compte de certains engagements.
   - Une sorte d'entracte, fait remarquer Isabelle Higère. Guenièvre trompe allègrement le roi Arthur avec Lancelot, et elle fait comprendre à son amant qu'il n'a pas intérêt à oublier, ne serait-ce qu'une seconde, tout ce qu'il lui doit.
   - Cela dit, rétorque Fred Caulan, elle reste à la cour du roi Arthur. Un mari est moins attentif qu'un amant aux migraines de sa conjointe. L'univers courtois a ses limites.
   La provocation, manifeste, n'est relevée par personne.
   Trouvant qu'on s'égare, Marie Verbch, revient à la pièce :
   - Au moins les héros font-ils un effort pour conquérir leur future compagne. Ce n'est pas rien que d'affronter un fleuve monstrueux et bestial. Il ferait beau voir que l'on ait à affronter l'Acheloos tous les matins et tous les soirs.
   Isabelle Higère part au quart de tour.
   - Si l'on doit faire des efforts pour avoir le droit de baiser sa femme tous les jours que le Bon Dieu fait...
   Sentant un piège, elle se tait.
   Lucie Biline sourit :
   - Mon père disait que les Messieurs passaient devant le Maire pour ne plus avoir à écouter les dames pour baiser, et le Dames, pour ne plus avoir à baiser pour qu'on les écoute. En somme tout le monde attend un sexe sans problème, et des élans qui vont de soi. Jusqu'à la première aubaine qui passe. C'en est fini des travaux d'Hercule, Déjanire espérait l'avoir tout à elle, et voilà qu'il ramène une jeunesse toute fraîche. L'on comprend qu'elle pense à ce que lui a dit ce goujat de Centaure.
   Marie Verbch saisit la balle au bond :
   - Au moins est-elle consciente de ses droits. En voulant conquérir Iole de haute lutte, Héraclès fausse le jeu. Il se laisse aller à une pulsion qu'il ne se donne même pas la peine de contrôler. Une société policée ne peut se mettre en place que si l'on canalise la bête qui sommeille. Il faut brûler la brute, pour remettre les choses à plat. Le seul tort de Déjanire, c'est d'avoir eu recours à un philtre composé à partir du sang d'un monstre, autrement dit à la force primitive d'un bouquet d'instincts qui ne demandent qu'à se déchaîner.
   Fred Caulan n'est pas mécontent du tour que prend la conversation :
   - Le poison n'agit que si on l'expose à la lumière, tant qu'il reste enfermé dans un coffre, il ne peut agir. Une intuition intéressante. Osons un anachronisme. L'éducation permet de refermer le coffre sur la sauvagerie du pervers polymorphe, comme dit notre bon maître. Les parents paresseux laissent le coffre entrouvert, les parents indignes le bourrent à mort. C'est le moment d'accorder une pensée émue à la bonne Françoise Dolto. Et de rendre hommage à d'éminents collègues. Personne ne nous a parlé de ce coffre. C'est plus drôle que le péché originel. Un boulet originel... Les enfants poussent comme ils peuvent, en famille ou en meute. Un jour, on trouvera la bonne lime. En attendant, nous sommes obligés de traîner un boulet plus ou moins lourd. Les angoisses de l'hominisation. Déjanire comprend tout quand elle voit un flocon de laine se consumer à la lumière. Elle s'en était servi pour imprégner la fameuse tunique du sang de la bête. Le dramaturge reste pudique. Son public ne veut sans doute pas entendre parler de sperme.
   Luc Taireux est prêt à toutes les spéculations :
   - Mais l'on garde l'essentiel : le sang de l'hydre, une trace de notre cerveau reptilien, avec toutes ses têtes humaines qui repoussent, celui du centaure, un souvenir du temps où les ongulés ne s'étaient pas encore nettement séparés des primates. Il ne faut pas oublier que l'embryon passe par toutes les phases de notre évolution avant d'avoir droit au privilège de quitter le liquide amniotique.
   - Paix aux mânes de Jung et de Ferenczi, dit Fred Caulan.
   - L'Hydre a dû laisser de bons souvenirs, avance René Sance. À preuve que l'on s'efforce de la faire renaître sous une autre forme. C'est ce que d'aucuns appellent la globalisation.
   Marie Verbch trouve encore que l'on bat la campagne :
   - En tout cas, les efforts consentis par Héraclès pour l'emmener avec lui, ne constituent plus une garantie. Il lui a fallu dévaster toute une région avant d'être à même de lui imposer une rivale qui la supplantera. C'est bien plus grave que les aventures que l'on glane au passage. En utilisant le baume de Nessos, elle défend un droit. L'on s'est battu pour elle.
   - La belle affaire ! dit Isabelle Higère.
   - Que celle qui n'a jamais voulu pouvoir choisir entre plusieurs prétendants lui jette la première pierre. Avant, c'étaient les parents qui fixaient les enchères ; ce sont maintenant les intéressées, sous nos climats, et je m'en félicite. L'on accepte l'idée qu'une dame doit être conquise et reconquise à chaque instant. C'est normal : depuis toujours les hommes leur ont fait comprendre qu'elles doivent rester aussi désirables. Juste retour des choses. Quelques rustres ne veulent pas le comprendre. Tant pis pour eux. Mais dans les mythes, le fait qu'il faut sortir vainqueur d'un combat réel ou symbolique obéit aux règles du genre. Les paons et les dindons font bien la roue, les bêtes à corne s'entrechoquent à grand fracas, les chats en mars se flanquent les peignées que l'on sait, je ne vois pas pourquoi les futures bêtes à corne ne seraient pas soumises aux mêmes règles.
   La vilaine plaisanterie lui vaut les froncements de sourcils de ces messieurs.
   - Sors vainqueur d'un combat dont Chimène est le prix, lance Claudie Férante.
   - Le père est mort, dit Luc Taireux : une condition nécessaire et suffisante pour que la dame ait le droit de fixer les enchères.
   - Ce que veut Déjanire, c'est que l'on ne revienne sur le résultat de ce combat. Le malheur, c'est que ce n'est pas à elle de décider. Et qu'elle commet un crime en voulant réagir. Dans l'esprit des spectateurs, une dame qui ne se résigne pas aux inexcusables caprices de nos esprits changeants ne peut que provoquer des catastrophes. Quand elle mesure l'étendue du désastre, elle n'a plus qu'à se donner la mort. Héraclès, à l'article de la mort, souligne l'atrocité des lois patriarcales en disposant de l'avenir de son fils, qui ne peut échapper aux malédictions paternelles qu'en épousant la cause de tous ses malheurs. Il est évident que les sentiments de la princesse captive n'ont aucune espèce d'importance. On rassurera le public en affirmant que c'est Zeus qui l'a voulu. Un argument décisif, dont nous connaissons les variantes. Une société ne peut reposer que sur des règles stables et acceptées de tous, mais c'est Cypris qui mène le bal. Héraclès peut brûler tranquille. Le monde s'organisera comme il pourra.

***

creative commons
texte : René Biberfeld - 2012
image : JHR et JP


Retour au Sommaire général

Ces oeuvres sont mises à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Paternité - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 2.0 France.  - JH Robert Ouvroir Hermétique